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Pastorale ionienne...

Septembre 2025. La rentrée pluvieuse tambourine sur mon emploi du temps chargé. En attendant de terminer ma prochaine composition orchestrale, je viens de publier une œuvre courte dans un format que j'affectionne particulièrement : l'étude pour instrument seul.

Genèse

Sa genèse répond à plusieurs petits défis et objectifs. Présentant des principes de musique dite "modale" (c'est-à-dire d'harmonie tout court !) à mes élèves, je me suis donné à moi-même un devoir de vacances illustratif. Le but était de mettre en lumière un mode à la fois surexploité sur le plan quantitatif et en même temps sous-estimé sur le plan qualitatif : le mode ionien.

L'intuition commune étayée par la musicologie académique considère ce mode comme celui de la joie simple, de l'insouciance par excellence. À tel point que cette simplicité d'humeur rime fréquemment avec simplisme. Ainsi, le mode ionien est le plus souvent perçu comme harmoniquement univoque, tranché.

À contrario, j'ai souhaité ici l'employer pour décrire une humeur plus nuancée, moins insouciante et plus songeuse. Sans changer de tonalité ni de centre modal, le présent opus contient deux thèmes aux couleurs et intentions légèrement différentes, en termes de degré plus que de nature. Le premier thème, propulsé par la fougue de la gigue en rythmique binaire, affirme l'étendue de sa fière alacrité dans un ciel sans nuage. Le second thème voile le tableau d'ensemble d'une subtile touche méditative, sans altérer pour autant le caractère enjoué du morceau.

Analyse

J'ai opté pour la structure fondamentale de danse baroque (A - A - B - A) en groupes de huit mesures, et confié au hautbois seul le soin de danser. Cet instrument a toujours rayonné dans les pastorales et bucoliques et est tout à fait adapté à l'expression des micro-finesses du mode ionien.

Le rythme du premier thème martèle staccato des groupes de quatre notes répétées (cycle de dominantes puis de sous-dominantes), avant de se poser sur la seconde majeure, sans jamais avoir recouru à la tonique (do). Cette élusion ou ellipse est un procédé compositionnel discret destiné à rendre un thème ionien moins prévisible et léger. Sur le plan tonal et organologique, le saut d'octave du premier thème non seulement participe de sa gaieté, mais il valorise également la richesse de timbres et de registres du hautbois.

Le deuxième thème, tout en contrastant rythmiquement et mélodiquement avec le premier (tempo ralenti, legato, ambitus plus large, nuances dynamiques accrues), prolonge le procédé sus-mentionné en ouvrant son exposé par la médiante et en le concluant par la sensible, une septième majeure qui crée une tension et un sentiment d'inachevé qui justifie le retour du premier thème. La musique ne croise la route de la tonique que ponctuellement, à la faveur d'une intersection avec une réminiscence-leitmotiv de la première mélodie.

Le thème initial revient quasi-identique, si ce n'est qu'il accomplit enfin sa destinée en se stabilisant sur la tonique.