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D'un mot à l'autre, le jeu Ricochet : entretien avec son auteur et éditeur Cyril Blondel


Au sein de la galaxie des jeux de société modernes dits coopératifs, l'un d'entre eux se démarque par son mélange de finesse et de drôlerie, d'originalité et d'évidence. C'est une petite pépite pour les amoureux de jeux de mots, d'association d'idées, d'analogies lexicales, phonétiques ou sémantiques. L'auteur que je suis ne pouvait que se laisser "prendre au jeu" du bien nommé Ricochet. Un jeu malin et addictif, qui permet même de jouer en solo avec beaucoup de plaisir !

Aubancien : Cyril Blondel, bonjour et merci de répondre à mes questions !
 
Cyril Blondel : Bonjour, merci à vous de me les poser.
 
A : Vous êtes un auteur de jeux de société prolifique, et notamment le papa du jeu Ricochet (décliné en trois éditions et boîtes indépendantes), ainsi que le créateur de la société d'édition française Flip Flap Editions. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'interview détaillée que vous aviez accordée au site trictrac.net. Ma première question peut sembler inattendue : puisqu'on parle de jeux et de raison, croyez-vous au hasard ?
 
CB : Ça commence fort ! ;) Oui j'y crois, et je suis souvent curieux de ce qui permet de le définir ou de le dénicher. Par exemple, j'avais échangé il y a longtemps avec un étudiant en thèse de mathématiques qui étudiait le dé, pour savoir si celui dont les points sont peints (donc la face 6 plus lourde à priori) et celui qui a ses points creusés dans la matière (donc la face 6 plus légère à priori) avaient les mêmes statistiques. Ça m'avait fasciné. C'est un beau sujet, le hasard.
 
A : Je tiens à vous féliciter pour le parcours qui est le vôtre, car je sais à quel point il est difficile de bifurquer professionnellement parlant, et méritoire de réussir une seconde carrière. J'ai avec vous plusieurs points communs significatifs. Nous avons opté pour une forme de reconversion professionnelle avant la quarantaine, et nous avons aussi été auteurs dans des contextes culturels divers et variés. Pour un jeu comme Ricochet, par exemple, quelles compétences issues de la muséographie, avez-vous eu l'occasion, selon vous, de transférer ?
 
CB : Merci pour les félicitations. Oui, j'ai bifurqué il y a une dizaine d'années maintenant. Effectivement, nous avons plusieurs points communs, dont la musique. Mes félicitations en retour pour vos compositions et autres trajectoires.

Concernant Ricochet, ou le jeu en général, le processus de création n'est pas si éloigné d'un processus de création d'une exposition muséographique. Le phasage est quasi identique, et des compétences sont communes : chef de projet, graphisme, "scénographie"... les différences étant surtout la nécessité de vendre, de plaire aux distributeurs, au public... Dans une exposition, un angle pour le traitement du sujet peut être plus risqué car l'objectif culturel est premier (normalement), moins mercantile que dans le jeu.
 
A : D'où vous est venue l'idée de ce jeu ?
 
CB : L'idée est venue en participant à la chasse au trésor "La chouette d'or". Dans celle-ci, il y a d'une part beaucoup de jeux de mots pour pouvoir passer d'un point à un autre et avancer. D'autre part, il y a une sensation particulière : on ne sait jamais si on ne voit pas le point suivant, ou si on ne le trouve pas car on s'est trompé de route avant. Ce questionnement, je souhaitais le remettre en scène dans un système simple, et les ricochets de paires de mots en paires de mots alignés ont permis cela.

 
A : Y a-t-il un type de public à qui ce jeu plaît et "parle" particulièrement ? Avez-vous des retours d'expériences à ce sujet ?
 
CB : Évidemment, ceux qui aiment les jeux autour des mots apprécient, mais la petite fierté est d'attirer des joueurs en nombre qui me disent de prime abord : "Je n'aime pas les jeux de lettres, mais celui-ci j'adhère". Il devient à priori vite addictif et l'aspect "escape" finit par prendre le dessus. Idem, chez les enfants, on voit vite que le système plaît, et il y aura prochainement une adaptation pour eux.
 
A : Quelles sont les différences principales entre les trois éditions de Ricochet ?
 
CB : Ricochet 1 est idéal pour démarrer, avec une montée croissante non négligeable. Ricochet 2 est considéré comme Expert car il monte deux niveaux au-dessus du 1, avec aussi des rébus intermédiaires et autres astuces qui compliquent le cheminement. Ricochet 3, dit "Ricochons" est plutôt du niveau du 1, mais tous les rébus sont "cochons", connotés adultes ;).
 
A : Avez-vous déjà prolongé le concept de Ricochet dans d'autres jeux, ou même pensez-vous lui donner un quatrième successeur éponyme ?
 
CB : La suite va se faire sous deux formes. Une gamme Nuages, adaptée de Ricochet, pour les enfants de 7 ans et plus, et pour les familles (enfants de + de 10 ans, ados). Deux boîtes vont sortir en juin 2023 : Nimbus et Stratus. Nous sommes, avec Paul-Henri Argiot le co-auteur, très fiers du résultat après des mois de recherche. Les deux boîtes proposent une expérience de jeu dans le même état d'esprit que Ricochet, mais avec deux systèmes originaux et novateurs. L'accueil chez les professionnels et le public rencontrés en tests est aussi bon que sur Ricochet. Le même émerveillement dans les yeux des joueurs, fait plaisir à voir.

L'autre projet est la sortie d'une application mobile gratuite qui permettra d'avoir accès aux réponses commentées des énigmes des trois boîtes d'une part, et aussi de jouer sur son téléphone avec un mode de jeu différent des boîtes. Le but est d'offrir un jeu "passe-temps" sur le mode Ricochet, mais avec des parties de 3 à 10 minutes. Elle devrait arriver bientôt.
 
A : Un dernier mot pour la fin ?
 
CB : Merci pour l'interview et la publication. Au plaisir de se rencontrer en vrai, et bonnes créations à vous !

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Entretien réalisé par Aubancien, le 20 mars 2023.